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Respirer le silence


     Mon âme fatiguée, comment m’occuper de toi ? Je m’agite dans tous les sens, voulant faire toujours plus. Des soirées entre amis quand vient l’été, le tour de l’île en petites foulées, le marathon de Paris avec Zoé, enlever les mauvaises herbes avant l’orage, repeindre le portail bleu pour les vacances et faire les confitures, mes préférées, celles aux myrtilles qu’il faudra aller ramasser.

      Puis enchaîner avec la rentrée, pas le temps de souffler... les réunions, les collègues de bureau, et Olivier qui veut partir. Dire, ne rien dire, se disputer, surtout ne pas crier. Pas le temps de s’appesantir. Grand-mère est malade, à peine le temps de pleurer. Le grand file un mauvais coton et ça me ronge les sangs. Je pense aux histoires du passé. Dans ma tête, ça fait comme une vieille ritournelle. Des pensées ressurgissent; quand je m’active, je crois les oublier. En fait, je ne fais que les recouvrir comme le son de la télé que j’augmente pour ne pas entendre les pleurs du petit d’à côté.

 

      L’autre jour, je me suis dit : « Et si je les écoutais les sanglots du bébé, sans télé... Me poser silencieuse, assise à la table de la salle à manger, juste pour voir ce que ça me ferait de ne rien faire. Je l’entendais. Au début, je trouvais ses cris insupportables et dans ma tête, mille réflexions tournoyaient à propos des parents, mais pas seulement, sur la vie, ma vie et celle des grands-parents. J’ai laissé voler toutes mes pensées. Je n’ai pas voulu m’y agripper, ni les retenir. 

     Elles sont parties. J’ai respiré l’air du dehors par la fenêtre grande ouverte. Ça sentait bon l’herbe coupée. Et je me suis rendue compte que le bébé avait fini de pleurer. Je respirais le silence. Dans ma tête aussi, c’était silencieux même si je n’avais pas oublié ni la grand-mère malade, ni toutes les choses qui vont de travers. C’était doux cette sensation comme la paix sur le monde. Je me sentais en équilibre sur ma chaise.

 

    Quelqu’un m’a dit que c’était ça : se relaxer ou méditer. Finalement ce n’est pas si compliqué. C’est retrouver du silence à l’intérieur de soi. Il n’y a pas besoin de grand-chose. Juste s’asseoir ou même marcher. Prendre le temps de s’arrêter un p’tit moment, sans rien faire, sans rien se dire, sans rien vouloir faire d’autre qu’être là avec soi et respirer le silence, le profond silence. Il paraît que c’est comme ça que toi, mon âme fatiguée arrive le mieux à se régénérer.

 

     Depuis ce jour là, je m’assois sans rien faire dans ma salle à manger chaque jour après le café et même quand le bébé d’à côté pleure, j’entends le silence, doux comme du coton, tout paisible à l’intérieur de moi.

Christine B.   Mai 2022